« Chemin de Fer » , Une pièce théâtrale qui questionne l’essence des conflits et des guerres dans le monde
Un personnage au blouson blanc, chapeau vert, lunette de chaudronnier aux yeux et un pantalon de couleur verte s’exhibe sur une scène sombriste, sans lumière pour planter le décor au moment où nous faisions notre entrée en salle.
Pour sa première fois, la pièce « Chemin de Fer » de Patrick Alex Daheu a été mis en représentation ce samedi 04 novembre 2023, à l’institut français, antenne de Douala, la capitale économique du pays du plus puissant coup de poing du monde. « Chemin de Fer » est en effet un monologue et soliloque écrit par Julien Mabiala Bissila. Une interprétation et mise en scène et scénographie de Patrick Alex Daheu, fils du continent camerounais lol.
Alors, il est exactement 19h23, lorsqu’une voix épuisée contant les péripéties d’une vie épouvantable, vient briser le silence d’une salle froussarde. Laquelle voix est très vite fondue dans un bruitage de téléphone et d’une voix off situant la piece dans le temps et l’espace. Et c’est sous le projecteur d’une lumière jaune pâle symbolisant l’énergie d’une jeunesse dynamique et virtuose.
Les éléments spacio- temporels
L’histoire se déroule à l’époque contemporaine et l’usage d’un outil moderne de communication le confirme bien. D’ailleurs d’après l’auteur de la pièce, il s’agit d’un parallélisme entre la situation d’une guerre civile au Congo en 1997 et celle de la crise dite anglophone au Cameroun notamment dans les régions du Nord et Sud Ouest (NOSO). Deux guerres similaires, mais traitées différemment selon les époques et les moyens disponibles.
Sans doute, l’effet recherché par l’usage d’un téléphone et autres éléments modernes dans cette mise en scène est de contextualiser l’épopée de la pièce. Et c’est sur une scénographie pauvre et chauvre, matérialisée par des formats blancs contenant des messages illisibles en fond, collés au mur arrière que Patrick Daheu a choisi de véhiculer son message.
Au dessus de la salle, se trouvait une kalachnikov. Et questionnant la présence de cette arme, j’avoue que j’avais du mal à cerner son rapport avec les scènes. Ceci, jusqu’à ce que surgissent quelques secondes après. Un bruitages faisant office des coups de feu ayant abattu plusieurs hommes. Finalement oui et au regard de l’histoire racontée dans « Chemin de Fer » et ses péripéties, l’arme était plutôt évocatrice. Car, nous baigne dans l’ambiance qui prévaut généralement en situation de guerre.
Par ailleurs de bout en bout, étaient installées des marionettes statiques qui prennent activement part au spectacle et l’accompagnent. Elles matérialisent les corps sans vie des hommes, femmes et enfants. Un symbole fort de souvenir des sinistres, émeutes, fusillades et bombardements qui évoquent un passé ancré à jamais dans les esprits. Et de par ces éléments, on a le sentiment, ou on comprends que l’auteur et le metteur en scène cherchent à donner une place de valeur à la parole et au message.
En effet, l’éducation, la santé, les infrastructures hospitalières, la crise anglophone, les guerres et les massacres dans le monde. Tels sont quelques thèmes évoqués dans cette piece. L’acteur dégageait une énergie colossale. Il était le maître de l’espace. Le rendonneur dans la forêt de la vie. Apparait, disparait et réapparait. Il est en même temps le régisseur lumière, le phénomène de foire, le dj et le régisseur son. Ainsi il a fini par renseigner sur la signification et la symbolique des installations.
Une mise en scène émouvante
Quant à la mise en scène, elle renvoie à l’image d’un centre hospitalier au Cameroun, où les services de santé et le comportement des employés sont ouuf et restent à questionner. Elle draine également les spectateurs vers la représentation d’un médecin embarrassé face à l’état de santé des victimes des atrocités héritées des actes barbares. Encore, on y voit aussi un thanatopracteur bouleversé face à un nombre important de corps sans vie.
« Chemin de Fer » ? Oui c’est sans doute un chemin de fer vers l’enfer. Salué par un bruitage de train amorcé de celui d’un ouragan, puis un silence profond, le vide, le calme et l’obscurité évocateurs de concentration. Elle trempe le public curieux dans une immense panique et une peur sans merci. Surtout avec cette présence des cadavres ponctuée par des lumières rouges et sombres.
Un texte intellectuel et instructif
Le texte triste, tragique et cruel était ventilé d’un vocabulaire riche, assez intellectuel et élitiste. Bonne maitrise de la langue française car, il présentait des rimes plates et embrassées bien conçues. Également de belles répliques et des didascalies. Ainsi, on se croirait dans un cour de littérature ou de langue française 🤣. Ce qui confère à la pièce, un caractère pédagogique, éducatif et instructif.
Des incompris dans le pièce
Cependant des scènes à la fois incomprises et ambigües créaient des zones d’ombre et quelques dérèglages tant sur la forme que sur le fond. Premièrement au niveau de l’écriture, on note une forte présence d’un vocabulaire dépravant, pervers et des scène assez agressifs. « L’ organe, la masturbation, le vagin, faire éjaculer les corps qui ne baisent plus, merde, son cul, gémir, jouir, des gens nus dans une chambre de striptease« sont entre autres des expressions qu’on pouvait entendre s’échapper des lèvres de l’artiste tout au long de la pièce.
Ainsi, on peut même oser dire que la pièce ne tient pas compte ou ne respecte pas assez les valeurs des enfants. L’on dira certainement qu’il s’agit d’une pièce pour un public adulte et averti et qu’il est normal de préparer la jeunesse au bien et au mal. Ce qui n’est pas totalement faux en ce moment où il ne devrait plus avoir de sujet tabou pour les enfants. Mais l’auteur aurait pû user d’un vocabulaire souple, digeste et moins cru à toutes les générations pour transmettre ses enseignements.
Aussi, Patrick Ndaheu dans sa performance s’accompagne des mannequins modulables. Une situation qui nous amène très vite à questionner un tel choix d’attribuer les rôles à des mannequins au lieu des humains? Attribuer ces rôles à une présence physique et lui donner la paroles aurait rendu la pièce plus vivante. Ce qui est d’ailleurs la vacation de cet art qui se veut vivant et proches du public.
« Chemin de Fer » , la pièce inclut également les aspects publicitaires l’on ignore pourquoi. En effet, plusieurs fois, l’artiste a citer l’ entreprise brassicole, les brasseries et la marque Philip’s en ces thermes: « Tu as but toutes les brasserie sans uriner » . « Un énorme coup de feu vient d’apporter un poste de téléviseur Philips » . Aussi, Elle présente des partie inachevées qui laissent à croire à l’existence d’un second tome de la pièce. Enfin, je me demande si l’idée d’évoquer la Russie et la France était la bonne, connaissant le désaccord qui existe actuellement entre l’Etat Russe et l’Ukraine.
Chemin de Fer, une pièce froide et gaie
Le spectacle « Chemin de Fer » fait donc naitre chez les spectateurs, une émotion froide et joviale. Joviale et rigolo lorsqu’un homme surnommé Lucky Luc, tenant à sa main, une kalashnikov, tenta de paraphraser un philosophe et dira « Petit à petit est un oiseau » au lieu de « Petit à petit, l’oiseau fait son nid » . En espérant qu’un professeur de littérature capturé par ce dernier, pris de peur confirme ses dires.
Malheureux, celui- ci commet plutôt l’irréparable qui engendre un K.O. Le drame intervient alors lorsque le professeur, au lieu de soutenir les propos du cowboy, prétend plutôt qu’il a commis une erreur, et qui d’un ton inapproprié le critiqua amèrement. Tadandadann… . Ceci qui entraine son bout du tunnel et de celui d’un grand nombre de ses compagnons. Boom!
Après cet instant tragique, le narrateur termine son conte par cette phrase « Le vide, le trou, je suis couché, mais je ne sais pas pourquoi » . Laquelle entrainera un magnifique standing ovation. Waouuuuu! Belle prestation de sieur Patrick Daheu!
Environ 01h15 minutes de spectacle et de fortes émotions, nous retenons de cette pièce qu’elle est une invitation, une interpellation des africains à s’interroger et cogiter sur l’essence de toute guerre ou conflit et des conséquences y relatives.
Où commence les tirs et les bombardement? Quand? Par qui? Et pour quoi? Et jusqu’à quand? Voici autant de questions auxquelles nous devons tenter de répondre. Alors et finalement, que des esprits troublés et alarmant au sortir de la salle.
Olivier Charly / (+237) 691347549
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