Julien EBOKO: « J’écris mes pièces en buvant quelques tasses de café camerounais »
Cher (e)s tamtameurs et tamtameuses, dans la mission de découverte qui est la nôtre, nous sommes allés à la rencontre d’un jeune comédien camerounais résident à Douala. Il n’est pas des moindres, « Babyboom » est sans doute l’une de ses représentations les plus connues. Très passionné et très talentueux, ses travaux, ses textes, ses réalisations et ses productions font échos. Pour votre plaisir aujourd’hui JULIEN EBOKO.
Bonjour Julien et merci d’avoir accepté de nous accorder cet entretien.
Bonjour Olivier, Merci infiniment pour l’invitation. C’est un grand plaisir d’être invité et partager ce moment avec le tamtam du Mboa.
Alors, Julien nous allons débuté notre échange. Tu es comédien camerounais, conteur, acteur, auteur de plusieurs pièces. Peut- on connaitre plus sur toi?
Eboko Julien, Je suis un comédien moderne, auteur conteur et acteur. Intervenant théâtre à Dominique Savio section élémentaire et à l’université catholique Ucac-Icam. Papa de deux filles, j’essaie d’être un bon mari au quotidien et de rendre tout mon clan de femmes heureux. Je suis né dans le plus beau village du continent, Bomono Ba Mbengue. J’adore lire et écrire, également passionné de jeux vidéo, bandes dessinées et de guitare Bass.
Merci pour ces magnifiques détails. Alors, peux- tu nous dire comment se fait ta rencontre avec le théâtre ?
Ma toute première rencontre avec le théâtre se fait à Bomono, pendant les vacances de saison de pluie. On organisait des jeux et des spectacles dans à « Le bateau » une salle de fêtes très réputée du village. Un grand du quartier Dikolo m’avait passé un sketch à jouer. Et moi hyper nul mais, il voit en moi un bon acteur du coup il passe à la maison tous les soirs et m’initie au théâtre et au conte de chez nous. C’est finalement à l’université de Douala que je me fais repérer par le metteur en scène auteur et comédien Éric Delphin Kwegoue. Celui- ci me prend sous son aile et me forme au théâtre d’ici et d’ailleurs, à l’écriture théâtrale au jeu d’interprétation, ainsi qu’à la mise en scène et à l’administration de festival. Je me revendique fièrement de cette école !
Pourquoi avoir choisi le théâtre au milieu de grand nombre d’arts qui existent?
Le théâtre ou la mort, nous survivrons. Je n’ai pas vraiment choisi le théâtre, il m’a trouvé comme il le fait tout le temps pour me sauver de moi-même, pour que je puisse être utile aux autres. Je ne saurais mieux formuler ma réponse. Je suis comédien et c’est toute ma vie! Après je ne pense pas qu’on puisse choisir le théâtre. C’est une discipline artistique tellement exigeante et physique que certains pensent que le théâtre est élitiste. On ne choisit pas le théâtre on le pratique. Tu vois j’ai dit une discipline et pas un art. La vie en elle-même est une pièce de théâtre, peu importe la vie qu’on mène.
D’après toi, quelle place occupe le théâtre dans la société camerounaise où l’art de l’oralité ne semble pas encore ancré dans les habitude des spectateurs ?
Le théâtre renaît tout doucement ici, il a connu des années glorieuses, aujourd’hui il est relégué à jouer les seconds rôles. Il évolue bien et malgré la grosse confusion « Théâtre-Websérie ». Aujourd’hui le théâtre est le seul art qui vise encore à éduquer, à cultiver, à bâtir notre société. Il ne fait pas le buzz, ce n’est pas sa mission, il soulève les questions sur l’environnement, l’histoire de nos peuples, la place de l’humain au milieu de cette hyper connectivité, le pouvoir des femmes ici chez nous, l’amour, l’action politique, la jeunesse, le futur… C’est un peu normal qu’il soit si peu populaire, on n’aime pas beaucoup le changement chez nous.
Quel rôle peut jouer le théâtre dans la consolidation de la paix dans un pays en crise comme le notre?
Le théâtre égalise les êtres humains, il tient le spectateur par la main et le met face à ses réalités, sans filtre. Le théâtre c’est rire ensemble, pleurer ensemble pour mieux vivre ensemble. Dans sa dimension littéraire, le théâtre contribue à redonner le goût de la lecture aux jeunes et vieux, à raconter l’histoire de nos héros, l’histoire de nos peuples et aussi à valoriser nos différentes régions, langues…
Stéphane Dipita dans l’un de nos entretiens te considère comme un modèle et un catalyseur de sa carrière. Quel sentiment te traverse face à une telle reconnaissance ?
J’ai lu et j’étais un peu surpris, Stéphan Dipita c’est un monstre, un modèle d’humilité et un concentré de passion. J’ai rarement vu un bosseur comme lui, il ne s’arrête jamais de travailler. Difficile de faire mieux! Disons que l’on se motive mutuellement. Il m’apprend tout plein de façons de pratiquer notre art. T’as vu ses spectacles sont des chefs-d’œuvre, et il n’a pas encore fini de surprendre. J’ai beaucoup de chance de bosser avec lui depuis nos débuts, il me tire vers le haut. Je suis content d’être de la même team que lui. J’ai évolué avec Stéphan Dipita, il a influencé ma pratique de l’art. Il est rêveur dégoulinant de sueur et très cultivé. Il va voir les autres jouer, écrit et offre gratuitement des ateliers et des spectacles depuis bientôt 10 ans à des orphelinats de la ville de Douala.
Et toi ta carrière a t- elle été influencée d’un manière ou d’une autre par un ou des modèles ?
Éric Delphin Kwegoue est pour moi un modèle, Kouam Tawa, Martin Ambara, David Noundji, Becky Beh, Hermine Yollo, David Kono, Ousmane Sally, Félicité Asseh, Landry Nguetsa, Sufo Sufo, Patrick Daheu, Rodriguez Tankoua… bref je me nourris de tout ce que les autres font, j’observe j’apprends…
Quels sont les genres théâtraux les plus répandus dans le domaine du 6 art au Cameroun ? Et dans quel genre te sens- tu le mieux à l’aise ?
Je déteste particulièrement cette époque où l’on étiquète tout comme des produits de supermarché. Il existe des courants, des écoles et des pratiques différentes les unes des autres. Je peux me tromper mais, au Cameroun on fait du théâtre rituel, du théâtre post-dramatique, du classique et du moderne. Ah j’oubliais, on fait aussi du théâtre d’objets, de la marionnette … Je me sens à mon avantage dans toutes ces formes de théâtre, tant que c’est du théâtre. Chaque projet théâtral est particulier, de par la vision du metteur en scène, le texte et le public. Je ne vis que pour et par le théâtre.
Parlant d’écriture :
Comment écris- tu tes textes
J’écris mes textes sur mon ordinateur en buvant quelques tasses de café camerounais. Je choisis un sujet au hasard, j’essaie de rencontrer les personnages de mes pièces, je me plonge dans mes souvenirs, je trouve les sous-thèmes… Et je me libère, je déploie mes ailes…
Sur quoi te bases- tu généralement ?
Je me base sur mon vécu pour le stand-up, sur les histoires des autres pour les pièces de théâtre et sur le quotidien de mes filles pour les contes.
Combien de temps environ prends- tu pour écrire une pièce ?
L’écriture demande beaucoup de temps, il faut laisser l’histoire venir à soi. Laisser mariner les personnages et le lieu pour extraire le meilleur de ce qu’ils ont à nous raconter. J’ai un groupe WhatsApp où je suis seul et quand un mot, une phrase, un moment me marquent je fais de petites notes c’est ma boîte à idées. Après la construction de tout ça je me mets devant l’ordinateur et en quelques jours je termine L’écriture. L’écriture commence avec l’imagination, l’action d’écrire vient mettre un point final au projet.
Julien Fais- tu uniquement du théâtre, sinon comment gères- tu ton temps avec tes autres activités?
J’aimerais tellement reprendre l’élevage et l’agriculture. Le temps, personne ne l’a, il passe et c’est tout. Quand je ne suis pas sur scène, je dirige des ateliers de théâtre à l’école Dominique Savio et à l’université Catholique Ucac-Icam. J’écris des contes, des pièces de théâtre, des webtoons, des bandes dessinées, un roman… J’espère que je pourrais les éditer au courant de l’année prochaine.
Peux- tu nous parler de la compagnie « Crane d’œuf »?
Un collectif d’artistes, danseurs, auteurs, photographes, chanteurs, musiciens, peintres, graphistes, stand-upers, comédiens qui ré-enchantent l’art. « Crâne d’œuf » c’est la famille qui s’est constituée en association avec un site internet, des spectacles, des ateliers, des actions sociales. Faut pas se méprendre « Crâne d’œuf » n’a rien à voir moi. Les membres de la compagnie pour des raisons inconnues ont voulu nommée cette dernière comme cela.
Un listing de tes réalisations. Julien quelles sont tes pièces dont tu es le plus fier jusqu’à nos jours?
Massah, … ça pourrait être long et personne n’a de temps pour ça ! En gros j’ai écrit des pièces de théâtre, j’ai dirigé des ateliers, j’ai créé et produit des spectacles, écrit des articles. Dans tout ce panier je suis particulièrement fier du spectacle « Roméo ou Juliette 1 et 2 »; « comme au cinéma », « Babyboom »; « La cœurversation »; « Le voyage » (théâtre d’objets), « Le monde ne tournera pas ce soir », … Mes contes sur l’écologie. Et aussi des pièces dans lesquelles je rôle dans « Klaxon » de Stephan Dipita; « La ménopause du quotidien »; de Éric Delphin Kwegoue, deux immenses pièces qui m’ont permises de franchir un autre cap. Récemment j’ai écrit et réalisé un ciné-concert-dessiné avec Amandine Atangana pour le Mboa BD, c’était ndolè…
Comment perçois- tu le théâtre dans la société camerounaise aujourd’hui ?
Le théâtre au Cameroun a tellement de choses à apporter… Il lutte encore contre ses propres fantômes. Il se porte plutôt bien. Il n’y a pas de salle de spectacle. C’est vrai mais, il n’a pas besoin de tout ce confort, le théâtre c’est la vie, il a juste besoin de spectateurs, c’est le public qui donne vie au théâtre… On a besoin de vous !!!
Le théâtre un art pas encore ancré dans la mentalité Camerounaise, quelles solutions proposes- tu pour amener le public à s’y intéresser davantage et à le consommer ?
Honnêtement, je n’ai pas la solution à ce problème, mon boulot c’est de créer des spectacles. Maintenant, j’essaie à mon niveau de résoudre ça en allant chercher un public là où il est, dans les maisons et les écoles. Ce n’est pas toujours facile, puisque ce n’est pas naturel de procéder ainsi. On est dans le ndem jusqu’au cou, d’un côté on a les institutions étrangères qui ont des salles et le financement, mais elles sont là pour faire la promotion de leur culture. De l’autre côté on a nos gouvernants qui ne semblent pas être intéressés par le théâtre puisqu’ils savent que ça peut éveiller les consciences et certainement déranger. Ils ne feront rien pour que la situation de ces artistes change. Ils préfèrent faire la promotion des artistes tiktok-facebook. Et filnalement, ça éloigne le peuple des vrais sujets.
Quel artiste aimerais- tu voir interviewer par notre équipe dans nos prochains numéros ?
Kouam Tawa est mon auteur préféré, un dramaturge hors paire, un grand frère et un père pour les jeunes générations. Il fait beaucoup pour le théâtre Camerounais. Il fait énormément pour le théâtre africain. Il écrit aussi des poèmes lumineux et je pèse mes mots. Je serai ravi de lire son interview.
Julien, en tant que grand lecteur du Tamtam Du Mboa, que penses- tu de Olivier Charly (son promoteur) et du projet dans sa globalité?
Sérieusement, Olivier est un homme de média passionné et très professionnel. J’ai rarement vu un gars qui s’intéresse autant aux arts qui ne font pas le buzz, il va voir les spectacles, conte, performance, musique, théâtre, danse, tout ça, tout ça. Et derrière il va te faire un bon papier, objectif. Parfois un peu trop sévère mais toujours bienveillant. Il va voir tout le monde, je l’ai vu une fois assister à un spectacle qui avait lieu dans le salon d’une maison c’est pour dire son niveau de passion… Il est incroyable. Je lui souhaite tout le bonheur du monde et longue vie à Tamtam du Mboa.
Merci Julien d’avoir accepté de répondre à nos quelques questions. Pour sortir aurais tu certainement un dernier mot à adresser à tes fans ?
Merci infiniment à Tamtam du Mboa pour l’invitation, c’est rare de voir un média s’intéresser au théâtre. Na Som Jita (merci beaucoup)! Je n’ai pas de fan, j’espère ne jamais en avoir. Il y a des gens qui apprécient mon travail. Certains viennent aux spectacles d’autres non. Ce n’est pas plus mal que ça. Mon but c’est qu’ils aiment la proposition artistique, qu’ils en parlent autours d’eux et qu’ils reviennent encore et en chœur. Le reste est sans importance…
Alors, c’était pour vous le très fantastique Mr Julien Eboko. Pour mieux le connaitre, n’hésitez pas de le contacter via : (+237) 699018586 ou: Julieneboko@gmail.com
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