« L’arbre à palabres », quand la danse plaide pour la paix au Cameroun
Ecrit il y’a quelques années par la compagnie Misàko, l’« Arbre à palabres » a déjà été présenté plusieurs fois dans les festivals camerounais et d’ailleurs. Cette chorégraphie collective plaide pour la fin des guerres et le retour de la paix dans les régions anglophones du Cameroun.
« Compto’54 » est l’un des évènements en Afrique qui s’est tenu malgré la crise qui a fortement impacté l’art et la culture à travers le monde. Et face à cette adversité, il est urgent de recréer et de célébrer la vie. Heureusement, en Afrique, l’on continue à croire que l’art et la culture jouent un rôle majeur dans la proposition de réponse face à cette pandémie. C’est pourquoi du 9 au 12 juin 2021, lors de cette 6e édition du festival Comptoir 54, la Cie Misàko a invité les adeptes des arts vivants à se réunir autour d’une discussion sous « un arbre à palabres » planté à l’Institut français de Douala.
Arbre à palabre, une discussion sur les problèmes de chez nous
L’arbre à Palabres est une danse collective qui prends forme sous une lumière rouge projetée en grande large sur un fond noir qui constitue la scénographie le 9 Juin à l’IFC. Elle plonge les spectateurs sur le chagrin des violences qui ont durement éprouvé le Cameroun. Serge Ewanè Essombo, Wouoche Capoel, Wega Mathieu, Mendouga Elisabeth, Souga Donysha, Amanja Narcisse, Laye Laye Serge et Dombe Brice ont fait le choix de documenter leur spectacle de deux témoignages, sur la pratique de huit artistes de la scène. L’angoisse, l’état particulier extrême le rapport entre le drame. Il fait voyager notre regard, en ligne droite sur la tragédie du déraillement du train d’Edéa, qui avait fait des centaines de victimes, le massacre des enfants abattus de sang-froid à Kumba en 2020, la catastrophe de Nkouatché à Bafoussam et cet enseignant de 26 ans, qui a été poignardé par son élève au Lycée Classique Nkolbisson à Yaoundé.
Sur la chorégraphie et la gestuelle
Les huit acrobates donnent corps à leur expression sur des musiques folkloriques. L’épure du dispositif et l’économie narrative servent ici une intention démonstrative. La chorégraphie, mélange de danse traditionnelle et de gestes suaves plus instinctifs, est conçue comme un enchainement ininterrompu, donnant à l’ensemble, le sentiment d’une fluidité qui s’étend des corps isolés au collectif. Arbre à palabre installe la possibilité de cet échange physique entre les corps qui n’écrivent rien d’autre que le récit de leurs sentiments mélancolique et pathétique. Danse incarnée avec beaucoup d’énergie, ces émotions montées en scène placent le public en position de voyeur. Les danseurs évoluaient au ralenti, puis en accélération dans une sorte de danse entrainante.
La pièce s’ouvre sur les rythme d’Essewé, d’Ambass Bey, de Mangambeau, de Bikutsi, de Benskin, de Gourna et de Waiwa… dansant autour d’un collège d’instruments traditionnels, qui amorcent le processus d’appel au vivre ensemble. La pulsation de la musique aménage une atmosphère langoureuse et sombre à laquelle répond l’ambiance lumineuse rouge, référence claire à la pénombre du sang versé dans ces zones du NOSO.
Leur vocabulaire gestuel est principalement composé de torsions de corps, de lamentation, de fléchissement de genoux, de déhanchées mois explicites et d’étirement des bars. Ils dansent d’abord groupés, ne se rencontrent que ponctuellement, avant qu’il ne survienne un solo qui vient changer la donne, en rendant la prestation floue et incomprise. Au sol ou sur des tabourets devenus podium, un Acrobat, à travers des synchronisations biens posées et un costume bien mis symbolisant l’opulence, dessinait le visage des commendataire de ces actes sanglants.
La réception du spectateur
Le plaisir du spectateur se dessine progressivement, à mesure que la tension gagne en intensité. Cette évolution est bien tenue jusqu’au tableau final. Certes un peu moins inspirée ou tout simplement plate. Mais la tension de cette première représentation au Compto’54, palpe les corps et occulte l’incroyable pouvoir de contagion de cet art. La beauté du geste et son rapport mobile extrêment le spectacle, le met en mouvement et l’émeut. Et comme disait Nathalie Yokel « La chorégraphie appuie sa démarche sur l’empathie kinesthésique qu’il cherche avec ses chorégraphies fluides et ses suspensions, sur la sympathie qu’il provoque par les paroles intimes qui nous sont livrées ».
Sur l’implication physique du spectateur, l’« Arbre à palabres » n’est pas comme un ordre vis-à-vis des guerriers. La Cie Misàko cherche juste à établir un plaidoyer pour le cessé le feu dans le Nord-Ouest et le Sud-Ouest, au seul langage du corps. Par parties touchées et glissées dans le mouvement, elle donne à voir les rapprochements entre la réalité sur la question du point de contact, de l’énergie et de l’épuisement. Le sentiment de liberté présent chez chacun des danseurs se lit en filigrane, même si la perception se fait plus indolente.
De ce qui précède donc, nous pensons sans risque de se tromper que l’« Arbre à Palabres », reste une œuvre engagée qui peine à trouver des éléments justes pour mener à bien sa mission.
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