Entretien avec Kouam Tawa, le camerounais qui a initié les soirées partage au Festival Récréâtrales : « Cela fait de longues années que j’ai initié les soirées partage au Récreâtrales »
Nous sommes à la 12eme édition du Festival Récréâtrales à Ouagadougou, au Burkina Faso. Sur notre micro, Mr Kouam Tawa le camerounais qui a initié les « Soirées Partage » au dit festival nous parle de ce projet devenu l’une des grandes articulations de ce rendez-vous panafricain.
Mr. Kouam Tawa vous êtes auteur dramatique, poète, metteur en scène et initiateur des soirées partage au Récréâtrales, un rendez-vous panafricain qui se déploie du côté du Burkina Faso en Afrique de l’Ouest. Alors peut-on savoir plus sur la personne derrière le nom Kouam Tawa ?
Vous l’avez dit, Kouam Tawa, je suis camerounais auteur dramatique, poète, metteur en scène, né le 31 mai 1974 à l’Ouest Cameroun. Je réside au Cameroun et précisément à Bafoussam où je dirige une compagnie de théâtre, la compagnie Feugham et un lieu de résidence qui s’appelle le LA’ACAM (Laboratoire Artistique Camerounais).
En tant qu’auteur, j’ai publié une trentaine de livres majoritairement pour la jeunesse. Au Cameroun, en Côte d’Ivoire, en France. J’ai écrit plus d’une vingtaine de pièces dont la plus part ont été mise en lecture dans plusieurs espaces dans un certain nombre de pays africains, en France, au Canada et même au japon.
Et au Festival Récréâtrales, depuis de longues années (2008), j’anime les soirées partage que j’ai initié. Et toujours dans le cadre de ces Récréâtrales, j’ai souvent animé des ateliers de dramaturgie dans le cadre du laboratoire Elan.
Qu’est-ce qu’une soirée partage dans son sens conceptuel?
Une soirée partage est un palabre dans l’esprit des veillées africaines d’autre fois. Pour avoir lu les grandes épopées africaines, des grandes œuvres de littératures africaines dans lesquelles il était question des palabres, je me suis fait une idée de ce que furent les palabres à l’époque des grands empires africains. Et alors, j’essaie dans un esprit d’aujourd’hui de traduire ces veillées, ces palabres dans le contexte des Récréâtrales. Mon travail consiste à créer des conditions pour que l’invité (e) soit à son aise, le public aussi. Qu’on vive un moment à la fois agréable et léger, mais avec une certaine profondeur.
D’où vous vient l’idée des soirées partage et dans quel esprit vous trouviez vous?
Les soirées partage sont nées d’un manque. J’étais invité aux Récréâtrales pour animer un atelier de dramaturgie. Et il se trouve qu’à Bafoussam d’où j’étais parti, tous les mercredis, dans un restaurant, je lisais entre 18h 30 et 20h 30. Ce programme s’appelait « Au fil des mots ». Dans le cadre de celui-ci, j’ai lu plusieurs centaines de livres. Je suis donc venu au Burkina Faso pour quelques semaines. C’était pour poursuivre une réflexion avec des amis sur la nécessité d’implanter le théâtre que nous faisions et rêvions de faire aux cœurs de nos communautés, au cœur de la cité et parmi les populations.
Arrivé ici, il se pourrait que mes lectures de Bafoussam me manquent. J’ai proposé au directeur et fondateur des Récréâtrales Mr. Etienne Mignoungou de lire dans une cour, un poète Frederick Titinga Pacéré, grand poète burkinabé. Ce qu’il a accepté. Nous sommes donc allés le voir pour lui expliquer le concept. Chose qu’il n’a pas hésité d’épouser.
La façon dont s’est passée la soirée était tellement magnifique que nous avons eu envie de continuer. C’est donc cette soirée de lecture, qui a été à l’origine de ce qui va devenir les soirées partage. Et ici aux Récréâtrales, je suis arrivé à la forme que vous avez vu. Ce moment qui va désormais constitué un certains temps fort de ce rendez-vous panafricain que sont les Récréâtrales.
Alors Mr. Kouam Tawa que peut – on dire du but des soirées Partage: quel est le but des soirées partage
Le but des soirées partage est d’abord le partage. Ensuite c’est de rendre hommage à un homme ou une femme qui dans son domaine a excellé et est porteur d’une parole, d’une expérience ou d’une pensée qui peut être utile à plusieurs. Dans un espace, on invite cet homme ou cette femme pour que, dans un rapport de grande proximité, il ou elle puisse se raconter.
Et que ceux qui n’ont l’habitude que de les voir à la télévision, de les lire dans les journaux ou dans les livres, puissent les avoir en face, en chair et en os. Et ceci, dans une cour et dans un dispositif qui n’installe plus aucune barrière entre eux et ledit public. Il faut que l’invité (e) vive ce moment comme un moment de reconnaissance. Et que ce rendez-vous soit une occasion pour ceux qui ne savent rien de son œuvre d’en avoir une petite idée.
De nos jours, quelle est la particularité des soirées partage par rapport aux autres disciplines des Récréâtrales ?
Aujourd’hui, qui dit Récréâtrales dit aussi soirées partage. Ça veut dire que dans la grande aventure que sont les Récréâtrales, aventure extraordinaire, aventure révolutionnaire. Je dirai que les soirées partages sont un condensé de l’esprit même des Récréâtrales. Parce que né au sein des Récréâtrales, épousant la philosophie des Récréâtrales et se déployant dans le cadre des Récréâtrales. Elles mettent en contribution un nombre important de créateurs notamment les scénographes, des éclairagistes, des musiciens, des comédiens, des metteurs en scène des auteurs etc.
Quand on reçoit un cinéaste par exemple, on projette un de ces films pour donner l’occasion au public de voir sa façon de faire des films. Quand c’est un auteur, on donne à entendre un fragment de son œuvre, quand c’est un philosophe, on donne à découvrir sa pensée etc.
Quelle est la place des soirées partage dans le monde et en Afrique particulièrement aujourd’hui?
La place de ces soirées partages en Afrique c’est principalement aux Récréatrales. Et dans le monde, plusieurs personnes, directeurs et directrices d’espaces culturels pour avoir assisté aux Récréâtrales, ont eu envie que ce concept se déploie dans leurs espaces. C’est le cas par exemple du « Théâtres Jean vilar de Vitry », de la « MC 93« , du « Grand T de Nantes »… Ainsi, j’ai pu animer en France des soirées partage au cours desquelles j’ai reçu des écrivains comme la camerounaise Djaili Amadou Amal, comme la burkinabée Manique Ilboudo, comme la tchadienne Nimrod Bema Djangrang et bien d’autre.
Donc on peut dire que les soirées partage plaisent. Les gens ailleurs souhaitent que ça se passe et nous allons ailleurs les animer. D’ailleurs nous sont autant plus heureux que dernièrement au Burundi, une équipe qui a l’habitude de venir aux Récréâtrales a initié pour recevoir l’ancien directeur du festival des francophonies.
Merci Mr Kouam Tawa nous sommes arrivés au terme de notre entretien. Mais pour sortir, auriez-vous certainement un message pour les compatriotes camerounais pour qui la lecture n’est pas encore ancrée dans les mœurs et en encore moins les soirées partage, un espace où la parole se déploie librement ?
Je dirai que c’est d’hommage qu’on ait eu dans notre pays des écrivains fabuleux comme Mongo Beti, et Leonora Miano pour ne citer que ces deux-là par exemple. Et qu’on se prive de la vision qu’ils ont du monde, du regard qu’ils jettent sur notre société. Parce que les poètes ont des sensibilités qui leurs permettent de percevoir, ce que la plus part met beaucoup de temps à se rendre compte.
Et c’est encore d’hommage que nous nous privions de ces regards qui nous auraient aidé à mieux nous comprendre nous-même et à comprendre le monde dans lequel nous sommes. Il faut donc que nos compatriotes soient dans l’esprit du partage. Car ça nous éviterait les conflits inutiles dans lesquels nous nous perdons et qui nous empêchent quelques fois d’envisager l’avenir camerounais avec sérénité et puissance. Les soirées partage n’ont pas autres buts que le partage.
« Les soirées partage n’ont pas autres buts que le partage ». C’est sur ces paroles que nous mettons fin à cet entretien. N’hésitez pars à commenter ou à nous écrire sur OlivierMoukodi[a]gmail.com ou sur Wathsapp (+237) 691347589.
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