« Géométrie(s) de vie(s) », se détacher du passé pour invoquer le futur
11e représentation internationale, la pièce « Géométrie(e) De Vie(e) » s’est déployée ce dimanche 30 octobre 2022 dans le plateau des 12èmes Récréâtrales à Ouagadougou. Elle a débuté à 18h 48, et c’est la cour de la famille Zida qui a servi de lieu d’expression pour ce spectacle d’art contemporain.
« Géométrie(s) De Vie(s) » est la pièce de théâtre contemporain d’une heure dix minutes écrite et mise en scène par les originaires de la république Démocratique du Congo Michel Disanka et Christina Tabaro. C’est un théâtre engagé qui retrace l’histoire du colon en terres africaines et qui essaie de guérir les blessures salissantes de sa mémoire.
C’est à travers l’épopée de Papa Michael, un père congolais déplacé çà et là et donc les souvenirs sont devenus une prison mentale pour sa famille et lui. En effet, l’histoire racontée est celle de la vie et d’un passé sombre d’un jeune garçon qui a passé des bons moments dans sa terre natale avant d’aller à la rencontre de l’art. Mais dès son retour, il est habité par une profonde nostalgie de ces beaux moments d’antan.
Les thèmes traités par la pièce
« Géométrie(s) de vie(s) » visite les thèmes tels que le drame, le terrorisme, la polygamie, la situation de l’orphelin, la misère, l’insouciance et l’échec de l’humain. C’est en effet la représentation du visage d’une Afrique piétinée, insultée et humiliée. Une Afrique divisée et torturée par l’égoïsme politique du colon avec la complicité de nos propres dirigeants qui nous ont aliéné et ignoré nos valeurs.
Elle est influencée par une forte présence de la parole et de la poésie. Sa musique douce et folklorique en langue malinké et lingala nous ramènent vers Kinshasa. Quant à la danse prise de transe de temps en temps, l’auteur cherchait à ressasser ces souvenirs des temps anciens où, l’amitié et la complicité étaient la fierté des peuples africains.
Les rôles dans cette pièce sont interprétés par quatre artistes qui représentent le passé, le présent, le futur et la transition. Il s’agit des hommes et femmes aux visages zombifiés qui laissent apercevoir des cœurs meurtries. Et les acteurs sont très présents et dynamiques dans leurs jeux. Ils ont su s’approprié la pièce en occupant la scène de manière sobre et avec beaucoup d’énergie.
« Géométrie (s) de vie (s) » n’a pas eu du mal à capter l’attention des spectateurs en faisant naitre des émotions fortes. La haine, la rancune et le gout de la vengeance positive couvrent les visages du public. Sur les visages des occidentaux présents dans le public, on semblait lire des sentiments de regret et de désolation vis-à-vis de ces actes barbares orchestrés par leurs ascendants.
Cette création nous offre également un grand moment de réflexion et nous invite à un éveil de conscience face à l’oppression coloniale. Elle convoque les souvenirs du passé causés par la présence des occidentaux à Kinshasa, à Bakuvu et à Mbanza Ngungu.
Et par ces éléments invite les Africains à sortir de cette obscurantisme et à faire la géométrie du passé, puiser dans les souvenirs pour se construire un lendemain meilleur. C’est également un appel à la recherche perpétuelle de l’indépendance mentale.
Accorder une place de valeur à la parole
Les lumières jaune et bleu, trop fortes, n’étaient pas adaptées au spectacle. Les bruitages ne retentissent pas au moment opportun. Ce qui faisait parfois perdre le fil du spectacle et engendrait des incohérences. Interpellée pour en savoir plus sur ce déréglage, Christina nous avoue que « Ces lumières ne sont pas vraiment les lumières du spectacle, on les a juste adaptées compte tenu du temps et des difficultés des techniciens, nous avons eu très peu de temps pour travailler avec eux ».
Le décor était aussi très simple et dépouillé, constitué d’un fond blanc sans artifices. Le fond blanc sous forme d’un mur, ne représentait-il pas une barrière entre le passé et l’avenir qu’il fallait franchir ? « C’est un choix délibéré pour éviter les distractions et accorder une place de valeur à la parole et au griot qui effectivement sont des valeurs intrinsèques des cultures africaines », nous explique Michael Disanka.
En somme, la pièce est un véritable creuset de valeur. C’est le reflet même de la réalité africaine avec sa situation socio politique. Le message autour est une invitation à faire le calcul de nos parcours, se connecter à nous même, puiser dans nos souvenirs et s’accrocher à l’espoir. C’est une sensibilisation à la jeunesse africaine à sortir de la mélancolie et de la prison de l’ignorance, à croire et à comprendre qu’avec la détermination et l’engagement, on peut changer les choses.
Olivier Charly :
Article rédigé dans le cadre de l’atelier “Médias et Théâtre” organisé par l’Association Nord Ouest Cultures, NO’OCULTURES, à l’occasion de la 12è édition des RECREÂTRALES, avec le soutien de l’Organisation Internationale de la Francophonie (OIF).
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