La danse contre les mouvements migratoires clandestins pour « Faire Miroiter l’autre »
Faire miroiter l’Afrique, faire miroiter les richesses de l’Afrique à l’autre, c’est idéalement la pensée qui se dégage du fond de « Faire Miroiter l’Autre », une pièce de danse présentée par la Cie Di Sak ce vendredi 17 septembre 2021 à l’institut français de Douala.
Née au Cameroun en 2017, lors d’un atelier réunissant les danseurs amateurs repérés dans les rues de Douala, elle a été créée par l’artiste chorégraphe camerounais Jean BOOG et présentée par la compagnie Di Sak. « Faire Miroiter l’Autre » a une fois de plus eu le mérite d’être inscrite au menu du festival « Saisis ta chance, saisis ta danse » qui, rendu à sa deuxième édition, s’est tenu du 15 et 17 septembre 2021 sous le thème « Partage ton héritage ». C’était sur le tapis des Instituts français du Cameroun, par le biais de l’association Patrie ’Art.
« Faire Miroiter l’autre » une pièce de danse pour dénoncer les migrations
« Faire Miroiter l’autre » est en effet une pièce de danse poétique qui déconstruit le mirage d’un meilleur ailleurs en présentant les dangers liés aux voyages clandestins.
Alors, juste une heure et demi ont suffi à la Cie Di Sak, pour s’imposer avec cette pièce de grande maîtrise qui peint les réalités nocives des africains en Europe.
La pièce met en lumière les migrations à trois phases : le conditionnement de départ, les dangers de la traversée et les désillusions de l’arrivée.
Sur une performance de six danseurs, tout prend corps dans un silence absolu qui plonge d’amblée le public dans un embarras sombriste et timide.
Un silence source de profondeur et des tréfonds d’un océan atlantique qui invite le public à un voyage vers une danse contemporaine.
Une salle sombre au décor profond
Sur un décor minimaliste sans effets ni artifices, tout commence dans un noir total avec une musique jouée avec des tam-tams et les balafons. Laquelle était entonnée par un son aigu de la flute. Le tout accompagné par l’absence totale d’une voix humaine.
Le décor est complété par un rideau marron en fond de scène sur laquelle est projetée une lumière bleue à fréquence turquoise symbolisant le voyage.
Les six danseurs surgissent de nulle part en formant une ligne droite. Face au public, ils déambulent jusqu’au-devant de la scène en montrant des gestes de rame d’une pirogue. La danse commence alors lorsque les performeurs se mettent à présenter les visages sombres des africains emprunts à l’absolue mendicité et à l’extrême souffrance.
La remarquable coloration du spectacle
Sur scène, tout se joue au sol avec des mouvements pris de transe sur une Battle accompagnée des rythmes de Hip Hop, de Mangambeu et de Bikutsi.
Les danseurs font vibrer la scène en tapant les pieds et en balançant les bras dans tous les sens, pour demander de l’aide. Ici, la famine et la misère sautent très vite à l’œil et le manque de temps salue le passage sur les rues de l’occident.
Le spectacle prend une coloration plus émotionnelle lorsque l’un des performeurs essaye de se mouvoir pour voir le bout du tunnel, mais finit toujours par tomber. Certains s’enroulant au sol montrant des gestes de désespoir et d’autres se meurent sans soutien aucun. Nous comprenons donc très vite à travers ces scènes, qu’en Afrique, nous avons les problèmes, mais en Europe tout n’est non plus paradisiaque.

Le spectacle sur un costume double face
Les danseurs apparaissent dans différentes tenues. D’abord, en costumes d’apparat blancs et jeans noirs, avec une démarche cadencée style sapologie congolaise calquée sur l’élégance, le swag et la pureté. Toute suite, on aperçoit de ces éléments culturalistes qu’ils expriment le souhait pour les frustrés d’appartenir à la fine classe bourgeoise de Paris.
Après, ils se présentent dans les vêtements des gangsters et de ghettos qui laissent transparaitre, l’image de la souffrance des africains face aux sombres défis de la vie.
Les danseurs par leur prestation, ont également plongé le public dans la réalité du travail de basses classes réservé aux migrants, sans papiers, ni certificat de travail. Entre autre la vente des friperies, le gardiennage, les agents de ménage et d’entretien.
Au moment où les artistes sur scène se regroupent en créant une distance jumelle à longueur du chemin et aux atrocités auxquels les voyageurs font face durant leur fatidique épreuve, un moment de silence vient rappeler les tréfonds d’un désert qu’ils doivent braver.
Je pense que :
De fois, la pièce présentait des incompréhensions tant sur la prestation des artistes que sur le message lui même. L’on se croirait à une pièce de théâtre plutôt qu’à celle de danse. La danse s’y faisait très rare ou était même absente à 70%.
Même si les danseurs ont fait preuve de beaucoup de professionnalisme, quelques ratés parvenaient à sauter à l’œil. Et personnellement, la pièce n’a pas produit un grand état d’âme au regard de l’importance du message à véhiculer. Même comme à des fois, elle laissait ressentir un terrible goût de révolte, sa fin a été saluée par des applaudissements très froids.
Au final, conçu pour un but sensibilisateur, « Faire Miroiter l’autre » joue un rôle esthétique et éthique. Esthétique lorsque les danseurs usent des chambres à air qui font sens de gilet de sauvetage. A travers ceux-ci, ils présentent le visage de ces migrants criant et appelant au secours. Et éthique parce qu’ils traduisent l’expression de pitié, d’émoi et de peur, qui sont des sentiments qui transparaissent de cette pièce.

« Faire Miroiter l’autre » ne vise donc pas à cultiver le découragement chez les africains, Mais plutôt à leurs encourager à voyager avec des buts et objectifs biens précis.
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