Conte camerounais: Idilè et l’habit de l’éléphant
Une fois, comme le dit la légende, une grande disette s’abattit sur un village de la grande forêt des pongo. Dans ce village le roi avait l’habitude d’organiser de grandes fêtes qui duraient des lunes entières. Mais cette fois, il organisa une plus grande par ce que les récoltes étaient plus abondantes et annonça à la communauté qu’il y’a le trésor enfuit dans leur foret.
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Plusieurs années après la première fête des récoltes dans le village, le roi se décida de fêter son quatre-vingt dix-neuvième anniversaire de règne sur le trône de son trisaïeul. Il demanda à tous les villageois de se mettre dans leurs plus belles parures pour cet événement exceptionnel et rare qui ne pourra se fêter qu’une seule fois en plusieurs siècles, tellement la durée de vie sur terre devient de plus en plus courte.
Le roi se décida lui-même d’habiller tout son conseil. Mais il se heurta à une grande difficulté. Habiller son premier notable est difficile et délicat. Il était énorme. Le roi alla donc trouver Idilè dont les qualités de couturier n’avaient pas de pareilles.
Les éloges sur les créations extraordinaires de ce fils de vieille femme traversaient déjà les frontières de sa région. Il débordait de créativité. On parlait tellement de lui que cela suscitait une jalousie débordante dans beaucoup de cœurs de paresseux. Et ceux-là médisaient de lui et semaient le doute dans la tête du roi qui y allait donc plus par défi que par confiance.
Le roi lui expliqua ce qu’il voulait et le couturier lui demanda juste de dire aux membres de son conseil de passer à son atelier pour le relevé des mesures de chacun. Ils passèrent tous et Idilè se mit au travail.
En une dizaine de jours Idilè livra toutes les tenues sauf une seule.
Njou, l’éléphant, était gros et grand et large et long. Il essaya plusieurs fois sa tenue et chaque fois elle éclatait par endroit tellement son corps était difforme.
Et plus la tenue n’allait pas au premier notable de la cour royale, mieux le roi se confortait dans ses doutes des qualités du couturier et il se préparait à l’humilier devant toute la population. Il lui donna donc un délai très court pour la livraison de cette tenue.
Cette nouvelle se propagea très vite dans le village. Et les ragots allaient bon train. Et idilè se mit à réfléchir.
A cinq jours de la fête et à un jour du délai dernier, Idilè alla rencontrer son ami esôkèsôkè et son cousin sonjésonjé qui fit aussi venir son neveu isokoloko et tous les quatre trouvèrent donc la solution. Ils prirent njou en otage et nuit et jour, ils tissèrent directement sur son corps une tenue chatoyante, multicolore et curieusement très belle.
Le tam-tam de rassemblement tonna et tout le monde se rassembla à la cour du roi. Chacun dans sa plus belle tenue et ses plus beaux bijoux. Le roi apparut, scruta toute l’assistance d’un regard circulaire.
Au moment où sa colère atteignait le comble et qu’il s’apprêtait à passer l’ordre à ses soldats d’aller arrêter le morveux qui le faisait attendre, la vague assourdissante des applaudissements du public l’en dissuada. Njou (lire njôwou) apparut de l’autre côté de la cour, majestueux et ondulant, dans une tenue féérique, et tout le monde se leva. Même le chef se leva sans le savoir et applaudit.
Il demanda à njou de prendre place et ordonna que cessent les applaudissements. Dans ce silence absolu, il reconnut le mérite du couturier et l’éleva encore plus au titre de grand notable du village. Les colporteurs n’avaient que leurs yeux pour pleurer de honte. Et la fête eut lieu. Et les gens rentrèrent chez eux. Et la vie continua
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