Ruben et le langage des animaux – Deuxième partie
Dans un petit village là-bas au fin fond de la forêt de Dibombari vivait une petite communauté. Dans cette communauté il y avait un vieux père nommé Ruben qui en plus des autres, avait le don de voir la nuit et comprendre le langage des animaux.
Un jour, ayant écouté une conversation entre son chien de chasse et son chien de garde, s’est mis à rire aux éclats. Une situation qui avait énervé sa femme au point qu’elle demanda le divorce. 👉👉 A lire dans la PREMIERE PARTIE

Le problème est très grave. Tout le village en est au courant et les commentaires vont bon train. Chacun y va de sa façon, déduit ce qu’il pense et décide ce qu’il veut. Ruben était face à une tentation d’accepter la mort en livrant le secret. Mais il entendit le canard du chef prendre une décision. Le canard disait à son premier caneton que lui à la place de Ruben ne cèderait pas aux allégations des villageois. Il utiliserait son autorité sur la femme et la bastonnerait à souhait.
Ruben se ressaisît donc et demanda à son épouse de revenir à la maison où il lui expliquerait tout en privé. Ils rentrèrent chez eux. Ce qu’elle subit comme bastonnade lui fit abandonner son projet de départ et à la surprise de tous, la vie familiale reprit de plus belle. Elle était chaque jour avec son mari, quand celui-ci n’était pas à la chasse. Elle renvoyait toutes les questions de ceux qui tenaient à savoir automatiquement ce que lui avait dit son mari en leur disant que c’était une affaire de foyer. Et c’était un secret familial à ne pas divulguer.
Et les mois se sont écoulés. Et la vie au village était devenue plus calme. Ruben n’avait plus dit ses « énormités ». Et tout le monde disait qu’il n’avait plus ses pouvoirs maléfiques alors ne voyait plus rien. Et un jour, alors qu’il sortait de sa chambre pour se soulager des déchets de l’estomac, Ruben surprit ses deux chiens dans une chaude discussion. Il s’arrêta pour les écouter et ce qu’il entendit était un désastre.
Le chien de garde disait : « Aujourd’hui ne vas pas à la chasse. Il va se produire un événement malheureux dans le village. La femme du chef va mourir. Le chef lui-même suivra quelques temps après. Catastrophe ! Il faut que les sages et les sorciers du village se réunissent rapidement pour faire quelque chose » conclut-il en coulant deux grosses larmes. « Ouais ! Nous ne parlons pas aux hommes. Comment faire pour informer la population ? » pleura le chien de chasse.
Ruben courut immédiatement informer le chef. Au même moment qu’il se le faisait annoncer, le grand coq du chef réunissait toute sa famille pour leur annoncer la même nouvelle. Il les écouta et c’était le même propos. Et dans toutes les concessions toutes les familles animales eurent l’information. Ruben était le seul homme du village qui était au courant de la catastrophe.
Lorsqu’il annonça la nouvelle au chef, ce dernier le fit arrêter et bastonner par les gardes. Et ordonna à toute la cour de ne pas l’écouter. Alors Ruben se décida d’en finir avec sa vie. Il alla chez lui et informa sa famille de ce qui se produira dans les prochaines heures. Il prit donc une cloche et descendit dans la rue, il marcha dans tous les coins du village en criant à haute voix : « réveillez-vous, réveillez-vous, membres de ce village. Réveillez-vous sorciers et sages de ce village. Réveillez-vous, enfants et femmes de ce village. Il va se produire quelque chose, un grand événement, inoubliable. Notre village sera en deuil d’ici peu. Et des décès touchants au dernier degré.
Que les sorciers se réunissent très rapidement et fassent quelque chose. Car les animaux ont déjà vu ce qui va se passer. Ne vous étonnez-vous pas de voir dans la rue tous les animaux du village ? Observez autour de vous. Je les ai entendus ce matin. J’ai entendu les chiens. J’ai entendu le coq du chef. J’ai entendu le chat du chef. Aujourd’hui je vais mourir. Aujourd’hui j’ai livré mon secret et je vais mourir. Je comprends le langage des animaux. J’ai donc livré mon secret ancestral et je vais en mourir. Vous m’avez pris pour un fou quand je disais des choses, quand je riais lorsque j’entendais les animaux dans leur conversation. C’est ce qu’ils disaient qui me faisaient rire.
Quand il y avait une information importante je vous la portais et vous m’aviez battu alors que je ne disais que la vérité. Aujourd’hui que j’ai trahi le secret de mes ancêtres, je vais m’en aller les suivre et vous le regretterez. Mais avant de mourir, la femme du chef mourra. Et quelques temps après, le chef lui-même suivra. Voila qui est dangereux pour notre village, n’est-ce pas ? »
Une foule d’enfant suivait Ruben et les habitants qui s’en étonnaient discutaient chaudement. Mais tous convergeaient vers un point, la cour du chef. Curieusement tous les animaux du village suivaient Ruben qui continuait de prêcher sa bonne nouvelle qui entrainera la fin de ses jours. D’aucuns criaient à haute voix qu’il était devenu fou, mais personne n’osait stopper sa prédication. Il rentra à la maison, suivi de tous les animaux du village même ceux de la chefferie. Il entra dans sa maison, prit un bon bain et demanda à sa femme toute en larmes de lui servir son dernier repas sur la terre de ses ancêtres. Il mangea, discuta longuement avec ses enfants et alla se coucher.
Quelques temps après il appela son dernier fils lui tendit une sacoche, cracha dans ses paumes, lui toucha les yeux et les oreilles et lui demanda de se coucher à côté de lui. Pendant qu’il était dans la chambre avec son fils, les cris annoncèrent la mort de la femme du chef. A cette annonce, tous les sorciers prirent en considération les paroles de Ruben et s’empressèrent de se réunir pour une grande concertation durant laquelle le fils et son premier serviteur vinrent leur annoncer, à l’étonnement de tous les sages, le décès du chef du village. Tous les sages et les sorciers du village coururent vers Ruben et à leur entrée il leur dit malheureusement « Je vous ai parlé et vous ai demandé de réagir, vous m’avez traité de fou et voila… » Tels furent ses derniers mots.
Il se tourna vers son fils, le prit dans ses bras et fit un signe d’adieu aux populations et mourut à son tour. Tout le village le regretta amèrement. Tous les villageois pleurèrent longtemps. Jusqu’aujourd’hui, dans ce village, l’on jure au nom de la mort de Ruben, à titre de regret. Si l’on l’avait cru un seul instant.

Par Ekum’Ekol’a Ndendé (Conteur émérite et amoureux de la transmission intergénérationnelle de connaissances ancestrales et transfuge de nos traditions)
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