Ruben et le langage des animaux – Première partie
Dans un petit village là-bas au fin fond de la forêt de Dibombari vivait une petite communauté. Dans cette communauté il y avait un vieux père nommé Ruben.
Ruben habitait à l’aube du village. Il était un homme qui avait, en plus des autres, le don « de voir la nuit » et de comprendre le langage des animaux. Sa petite famille n’en savait rien. Chaque fois, et cela très souvent, il leur disait qu’il se passerait telle ou telle autre chose, et chaque fois l’événement prédit se produisait. Chaque fois l’on le surprenait, seul, entrain de rire aux éclats. Il était ainsi considéré, par certains, comme un fou. Seulement il ne pouvait rien dire à personne. Il lui était strictement interdit de dévoiler le secret. Le jour qu’il le fera il en mourra.
Un jour, il passait devant la cour du chef du village et surprit un coq du chef entrain de se plaindre.
« Voilà un autre étranger qui est arrivé à la maison. Qui d’entre nous sera tué aujourd’hui ? Tous les jours on nous tue ici comme si nous étions les seuls mangeables dans cette concession. Je vais moi fuir une fois avant qu’il ne soit tard. Je vais me cacher dans les herbes… Eh, j’oubliais mon épouse ! Viens vite, l’un de nous va encore mourir aujourd’hui. Tant pis pour celui qui se fera voir dans la cour tout à l’heure. »
Pendant que le coq courait pour aller se cacher, Ruben éclata de rire. Un rire grand qui fit sursauter le chef qui était allongé sur sa chaise à sa cour. Il ria jusqu’à se renverser. Le chef qui déjà ne supportait pas trop ce fou, le fit arrêter. Il demanda qu’il soit proprement chicoté. Il fut bel et bien tabassé par les soldats de la cour. Mais il ne dit rien. Il supporta la bastonnade et s’en alla. Et les jours passèrent et les choses qu’il annonçait ne firent que se réaliser et se multiplier. Et cela laissa toujours les gens indifférents. Et tous continuèrent à le prendre pour un fou ou un sorcier.
Chez lui-même, Ruben avait deux chiens. Un chien de garde et un chien de chasse. Le premier passait des jours et des nuits à dormir et s’empiffrer des produits du second. Un jour, allongé sur sa chaise à la véranda, Ruben les suivait attentivement.
« Tous les jours je m’écorche les oreilles à chasser alors que toi tu te couches tranquillement pour attendre la nourriture. Et on nous en donne la même quantité » dit calmement le chien de chasse mais non sans douleur.
« La chasse c’est quoi ! Demain, tombe malade, j’irai à la chasse à ta place. Je tuerai plus de gibier que toi, tu le verras » répondit le chien de garde. »
Le lendemain tout se passa comme conclu et le chien de chasse eut à monter la garde à la maison. Il se reposa toute la journée. Pendant ce temps le chien de garde gouttait aux méandres de la chasse. Il courut toute la journée après les animaux. Il chassa les rats et les porcs-et-pics.
De retour à la maison le chien de garde alla directement vers le chien de chasse et lui montra ses blessures. Celui-ci lui présenta directement sa compassion. Ainsi passaient les jours, ainsi passaient les mois. Et la chasse devenait insupportable pour le chien de garde. Il se mit à se plaindre. Son frère ne céda pas à ses supplications. Alors le chien de garde forgea un grand mensonge à raconter à son frère dès le retour de la chasse à la journée fatidique.
Ce jour-là pendant qu’ils mangeaient à côté de leur chef, le chien de garde qui seul connaît son secret s’approcha de son frère et lui dit : « Voilà ! Je t’ai dit depuis de reprendre ta place tu ne veux pas. Le père a dit qu’il va te vendre aux kalaba qui sont à bossedi. Ils te mangeront à la fête de noël, car tu ne sers plus à rien. Pas plus tard que dans deux jours, lui-même t’emmènera là-bas » finit-il calmement.
« Alors je ne serai plus malade à partir de demain. J’irai à la chasse. Toi tu reprendras ta place » conclut rapidement le chien de chasse. Et il dit à part, à lui-même, « ainsi on va te vendre et non moi ».
Ruben qui vivait en direct la comédie des deux chiens, se mit à rire aux éclats. Il le fit jusqu’à l’étouffement. Sa femme qui venait lui donner de l’eau s’en énerva. Cela fit tellement de bruits à la maison que l’assise de famille ne put rien. Elle décida de partir chez ses parents. Elle en a marre de la moquerie de son mari. Cette fois-ci, si celui-ci ne lui explique pas pourquoi chaque fois il se moque d’elle, elle divorce. La menace était tellement sérieuse que le chef du village fut saisi. Il donna gain de cause à la femme car selon lui c’est le début de la folie. Alors que faire exactement ?
La suite très prochainement…
Par: Ekum’Ekol’a Ndendé ( Conteur émérite et amoureux de la transmission intergénérationnelle de connaissances ancestrales et un transfuge de nos traditions)
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