[Théâtre] : « Ngum a Jemea », la foi inébranlable du Doualla Manga Bell face aux sombres souvenirs de l’époque coloniale
Trois mois de travail instance, trois mois de travail intellectuel et trois mois de sacrifice, voici que les résultats sont palpables. Le 04 juin, la compagnie théâtre Kamite Entertainment a restitué le résultat de ses travaux sur le théâtre « Ngum A Jemea ».
Isolés à Bonaberi, dans un coin calme, timide et propice au cogito, Max Mbakop et son équipe se sont regroupés pour mener une réflexion sur la piéce de théâtre intitulée « Ngum a Jemea ». En effet, écrite par David Mbanga Eyombwa, « Ngum a Jemea » est une pièce dramatique présentée par la Cie théâtre Kamite Entertainment. Ce collège d’acteurs camerounais, sur une mise ne scène de Max Mbakop, a su creusé au plus loin de ses pensées pour nous faire visiter l’histoire d’une foi inébranlable d’un roi atemporel. Alors devant quelques adeptes de la culture venus vivre les souvenirs les plus épineux de leurs lectures et nourrir leurs curiosités, Ils ont produit des moments d’émotions incroyables. Et depuis sa restitution ce vendredi à 14 heures, je ne cesse de me poser la même question « pourquoi tant de méchanceté et de cruauté dans les cœurs des humains? ».
L’africain face à l’oppression du colon
Alors « pourquoi tant de méchanceté et de cruauté dans les cœurs des humains ? ». « Ngum a Jemea » raconte l’épopée d’un roi loyal et intègre, qui a défendu son peuple et s’est sacrifié pour celui-ci. Dans sa moelle, la pièce fait revivre aux récepteurs, les souvenirs les plus sombres du séjour des colons sur les terres camerounaises. Séjour marqué par l’oppression des allemands sur le berceau de nos ancêtres. Ainsi, la pièce telle que présentée par la Cie, dénonce les tares tels que la colonisation, le racisme et l’injustice et met en exergue Doualla Manga Bell en trois phases: son intronisation, son procès et son adieu.
L’intronisation du nouveau roi du trône King Bell
Toutes oreilles tendues, tout commence par une voix griotte, accompagnée de sonorités folkloriques, qui donne bref résumé de la pièce.
Et sur un fond noir, transgressé d’un décor immobile blanc transparent, l’on pouvait déjà voir les gestes de bras des esprits et la silhouette d’un homme à genoux. Mains posées sur sa tête, tout amenait déjà à penser aux rites d’intronisation. Oui, c’est belle et bien l’intronisation du 6e roi du trône King Bell. Tout était effrayant et plus effrayant encore, lorsqu’un grondement de tonner annonçant l’acceptation des ancêtres, vient installer la peur et le mystère dans la salle. Immédiatement, le côté mystique des traditions sawa se fait remarqué par des rites d’Esa, auquel étaient soumis tous les représentants des autres villages. Ces rites les obligeaient à laver les visages dans une bassine pleine d’eau avec les feuilles de dibokuboku (deux côtés), afin de marquer leurs sincérités vis-à-vis de l’évènement. Alors l’ayant fait à tour de rôle, Rudolph est installé à la tête de la chefferie supérieure, avec tous ses attributs parmi lesquels le njanjo (Chasse mouche), un symbole de paix sur lequel, il avait choisi de porter son règne… Il est ainsi, accueilli de transe par des danseurs et danseuses du village: c’était la réjouissance.
La rencontre entre tét’Ekombo et Von Rhoem
La seconde partie de la présentation prend une coloration plutôt sombre avec une convocation de roi qui change le cour de l’histoire. En effet, après plusieurs années de règne, Rudolph fait l’objet d’une convocation par le chef de région (représentant de l’Allemagne). Et au cours de leur échange, il lui a été fait une proposition qui tablait sur la division du territoire, l’expropriation des autochtones et un plan d’urbanisation d’une partie de la ville au profit des colons. Et courroucé, le fils de Manga Ndoumbe se montre alors révolté et refuse d’apposer sa signature sur les documents de la maudite proposition. Le représentant de l’administration coloniale tentera plusieurs fois à le convaincre par des gestes de corruption basées sur la fortune et les promesses alléchantes (Une mallette pleine de fortune). Mais, Tét’EKOMBO réitère son dévouement à servir son peuple avec honneur et loyauté, par ces propos : « Jamais, le territoire Douala ne fera l’objet de quelconque division… ». Sa décision et son courage sont alors salués par les sons de tamtams et de tambours faisant trembler toutes la scène.
Cependant, bien que tout tremblant, Von Rhoem avait quand même trouvé une possibilité de faire entendre au roi son caractère indispensable et le caractère irrévocable de la décision prise. C’est en ce moment qu’une bagarre s’enclenche entre les deux anciens camarades de la faculté de Bonn. Une bagarre à l’issu de laquelle la puissance physique nègre triomphe en évinçant le chef de région.
Rudolph rentra rendre compte de la situation aux autres chefs de cantons avec qui, il avait décidé de monter une révolte.
La rancune prend alors le dessus sur les émotions, lorsque Tét’Ekombo et son secrétaire Ngosso Din sont accusés de haute trahison suite à un complot montée de toute pièce par l’administration coloniale dans une lettre fictive. La pièce fait naitre une haine poussant à la rébellion au moment où nos vaillants martyrs sont jugés et condamnés à la peine de mort, et quand les noirs sont traités de race inférieure, sans raison.
Avant leurs exécution, Rudolph est autorisé à rendre visite à sa famille pour ses adieux. Ainsi, sous les aboiements des chiens, des miaule des chats, des cris des hiboux et des grenouilles, très tard dans la nuit, il toqua à la porte et mystérieusement, il tombe sur Anjo Bell, un de ses soldats et protecteur de la famille à son absence. Et à la question « comment vont les choses ? », celui-ci lui fera un rapport verbal des condamnations des autres chefs à l’instar de Martin Paul Samba, Madola et le chef de Muyuka… Tous détenus pour les mêmes causes.
L’adieu de Rudolph
La situation semble plus préoccupante, car à son tour, il informa Anjo de sa condamnation à mort, ainsi que celle Adolf Ngosso Din. « A tét’ékombo » : s’écria Anjo Bell, qui lui avait aussitôt proposé de s’enfuir en faisant venir un groupe de jeunes, pour l’accompagner au bout du monde, ou alors de disparaitre par les rites de pindi au moment de la pendaison. Mais, une fois de plus, le chef fera encore preuve de bravoure et d’engagement en répondant par cette chanson « Kem nei ma nya… kem kem kem nei ma nya o midongo… Na ma bôlè sibanè ditumba lam na wônè mô … ». Il continua par ces paroles savantes « Il est mieux qu’un homme meurt pour un peuple, plutôt qu’un peuple périsse pour un homme et si le salut de mon peuple doit passer par moi, jamais je ne me soustrairai à cette volonté ».
La rencontre de Tét’ekombo avec Engomè, sa tendre épouse va encore puiser les sentiments au plus loin des âmes, en installant un paysage émotionnel très fort. Rudolph a eu une discussion profonde avec Engome, il l’a tenu pour la dernière fois dans ses bras en lui transmettant ses dernières volontés. « Femme, rend visite aux femmes dont leurs maris sont en prison afin de leur apporter du réconfort » dit- il. Et par ces mots, il a réussi à percher une expression pathétique sur tous les visages à travers des adieux nostalgique et tristes. Ainsi, comme un conteur, voici relaté l’épopée de Ngum A jemea et vous comprenez donc finalement le pourquoi de ma question : « pourquoi tant de méchanceté et de cruauté dans les cœurs des humains » ?
Les acteurs dans leurs rôles
Tout au long de la pièce, Les acteurs ont su incarner leurs rôles avec tact et maitrise et ce, dans un langage noyés dans des paraboles qui marquent le coté mystérieux des royautés africaines. Les personnages enfuis dans des costumes constitués de sanja (pagne), chemises (sombre), démembrés (blancs) et des kabas (blancs et noir), offrent une balade vers la société Sawa. Ils ont ensuite arboré leurs casquettes avec beaucoup de professionnalisme. Ce fut un vrai coup de maitres de la team constituée de Essangue Stiven (dans le role de Rudolph Doualla Manga Bell) ; Ndeh Stépane (dans le role Adolf Ngosso Din) ; Michel Lobe (dans le rôle de Kuma Mbappe), Ferdinand Singo (dans le role de Mukada Mikano) ; Essonga Ignace (dans le rôle de Von Rhoem) ; Elise Hermann (dans le rôle de Niedermayer) ; Mefodam Joelle ( dans le role de Engome) ; Nganyou Honorine (dans le role de tékla) ; Elombo Jean Paul (Dans le role de Anjo Bell) ; Ngono Vidi Marie Laure ; Njimo Ngemo Divina et Ebiyebe Gontrand.
De ce qui précède, « Ngum a Jemea) qui désigne littéralement la foi inébranlable, doit en ce sens être compris comme étant un moment de souvenirs et d’hommage aux martyrs, qui se sont sacrifiés pour la libération du Cameroun. Elle est également une exhortation au pardon. C’est d’ailleurs pour cela qu’elle prendra fin avec cette phrase du roi… « Je demande pardon à tous ceux que j’ai offensé et je pardonne également à tous ceux qui m’ont offensé » Esiomo essimo malinga o beyidi !
2 Commentaires
Je n’ai rien a dit juste parfait . Mille fois BRAVO
Super