« How »: l’humour engagé pour une société diminuée et mitigée, Stéphan Dipita un autre coup de maître
Décidément, il n’y a plus de secret entre lui et son art. Adapter avec aisance les thématiques les plus épineux de la vie quotidienne est le fort de Stéphan Dipita qui, une fois de plus a communié avec son public le 24 mars 2023 à l’institut français de Douala.
Une radio souris de soucis pour les souris fait naitre une forte ambiance chez le public. Dans cette cœurversation, l’alchimie a tout de suite pris avec Stéphan Dipita et son public. La star camerounaise ne laisse plus finalement son public insatisfait. Il a une fois de plus mis en exergue son intarissable talent d’humour en se produisant en stand- up « How » ce 24 mars 2023 sous l’égide de la compagnie Crâne d’œuf.
L’ambiance autour de « How »
Pendant environ 1h 45 minutes, la salle de l’institut français de Douala s’est faite toute ambiante et bouillante dans son plein. Le fils de Bomono a viralement conquis les passionnés de 6e art et en a converti plusieurs. Il a su combler ceux- ci par son ton, la qualité du spectacle et sa gestuelle beaucoup calquées sur la rue.
Son jeu d’acteur raffiné et impressionnant ne saurait passer inaperçu, ni silencieux aux yeux de spectateurs qui suffoquaient de rire. Arrachant chez ces derniers des vifs applaudissements et un tonnerre de rires, le prix talent du rire RFI 2022 a su occuper la scène de manière sobre et surtout avec beaucoup d’énergie à la fois.
Sous les impressions du public
L’usage des figures de styles, des rimes et des champs lexicaux témoigne très bien sa capacité de maniement de langue française et sa maîtrise des textes. Le spectacle tel que présenté par Stéphan et mis en scène par Julien Eboko a suppri plus d’un car: « ayant connu une grande maturité par rapport à il y’a deux années » s’écria Maori Joël d’un air frissonnant. Celui-ci épaté, n’a pas en effet, manqué de dire sa satisfaction.
Dans la même foulée, d’autres se disent moins étonnés car pour eux : « Stéphan est d’abord trop fort et quand il s’associe à Julien et Rodriguez ça fait seulement mboum », confirme Jessica, une spectatrice récemment conquise par le théâtre à travers la pièce « Klaxon » . Chuuut!! Je vous fais un kongossa 👀 Pour l’amener au spectacle ce jour, ce n’était pas facile pour moi hein, que ooh « le théâtre c’est pour les boss et les gens qui n’ont rien à faire » . Mais est-ce qu’elle s’en sépare encore alors ?🤣. « Olivier Charly, il n’y’a pas de pièce cette semaine? » me demande t- elle tous les jours.
Rappelons que le spectacle a été présenté pour sa première fois en 2021. Et depuis lors, il a connu un réaménagement qui lui a permis d’être aussi émotif et émouvant. Les applaudissements et les cris ne cachaient d’ailleurs guère la flemme piquante des sketchs et des blagues développés tout au long.
Les thèmes soulevés par « How »
« How« , Stéphan a alors développé et traité une dizaine de thèmes qu’il a raconté sous forme de blagues. Il s’agit entre autres de l’histoire de la sauce vinaigrette et les saucisses. C’est-à-dire un monsieur qui arrive dans un restaurant diététique et par mimétisme, commande une salade avec la sauce vinaigrette. Mais s’énerve parce que la sauce n’avait pas de viande 🤣. Waah, je suis au sol avec le rire.
Il a également raconté l’histoire du discours improvisé de pa’a Paul l’homme de 4O ans 🤐 « au pouvoir » lors d’un sommet sur l’écologie. Celui-ci trouve que son discours a été confondu et rédigé à l’occasion de la fête de la jeunesse plutôt que sur l’écologie. Il décide donc d’improviser un sur l’écologie. Mais tenez- vous tranquille car, au lieu de parler du changement climatique dans son sens propre, le père parle plutôt du changement de climat de paix qui a changé dans son pays en climat de terrorisme et de guerre. Ateuuu mes côtes.
Il nous a également parlé des femmes infidèles qui attribuent les enfants à leurs maris, faisant une brèche sur la naissance de Jésus Christ »qui est né de Christ.. ian et attribué à Joseph » . Sacré Dipita. Il nous a également amené dans l’univers de l’escroquerie matrimoniale. Et c’est à partir d’une blague sur un papa qui décide de donner sa fille en mariage moyennant une somme. Seulement conscient que celle-ci, comme une vieille fleur avait déjà fané et perdu son éclat et sa beauté intérieure, escroque son beau fils en présentant sa fille comme « Un bon way, un bon way ». Seuls les camerounais pourront comprendre l’expression et expliquer aux autres.
Plusieurs autres thématiques ont été à l’ordre du jour. Mais les plus inspirantes et comiques pour moi restent celles de la violence faite aux souris par les humains. Et également celle de la réunion des éléments de la cuisine qui ont décidé d’en finir avec les femmes à la cuisine. Notamment l’oignon qui pique les yeux, le piment qui chauffe les doigts, l’huile qui brûle le corps, le couteau qui coupe les doigts… .
En effet, dans cette émission radio présentée par les souris, il présente les problèmes des communautés de souris Bayangam (en majorité localisée à Bepanda), les communautés wadjo (toujours entrain de confondre les numéros de téléphone et sont toujours hors sujet), ainsi que celles du quartier Makea (où les gens mettent la drogue dans les plats de nourriture et qui entraîne des cas d’agression) et celles du quartier Bilonguè (avec la groumandise dont la conséquence directe est l’empoisonnement). Il n’est pas nécessaire de vous dire ce que peint Stéphane à travers cette blague car vous connaissez déjà. Bon, pour vous qui n’êtes pas au pays pardon, il y’a le poison dehors ooh.
Dans son jeu
Il fallait donc voir le mbom (Stéphan Dipita) dans ses grimaces, on dirait un singe athlète devant un régime de bananes. Et dans ses allures de boy et gangster, il parlait un langage zombifié avec les pieds pliés comme Kola sucré dans ses « Tu ndem ?« . On dirait un big up aux nanga boko de Bilonguè, de Makea, New- Bell ou de l’avenue Kennedy. 🤣
La place de la femme est-elle dans la cuisine,? Doit- on marginaliser les personnes vivant avec un handicap? Doit – on se sentir bien dans notre peau, c’est à dire rester optimiste malgré les déboires, les malheurs et les peines qui nous habitent au quotidien ? Ou doit- on rester insensible face à la dégradation de notre écologie? Telles sont quelques préoccupations auxquelles Stéphan et son équipe tentent de répondre à travers « How » qui est lui un questionnement.
How pour quels buts ?
En effet, à travers cette masse d’interrogation et de thèmes, ils dénoncent plusieurs fléaux du quotidien camerounais et revendiquent plusieurs causes. Entre autres, l’infidélité de la femme, la marginalisation de celle-ci, le phénomène de consommation de la drogue au Cameroun et la non alternance au pouvoir, le phénomène d’empoisonnement, la pauvreté dont le taux est de plus en plus croissant avec pour conséquences les agression, le chômage…
Ils en appellent également au maintien de la paix, à l’égalité des sexes; aux respect et la non marginalisation des personnes vivant avec un handicap, au respect de l’écologie, à la numérisation de la femme, à l’éducation des moto taxi mens. Et enfin ils crient le ras- le – bol des délestages dûment subis par les camerounais.
Le spectacle a pris fin avec la présentation de son prix de RFI Talent du Rire 2022 à son adorable public. Un moment de reconnaissance et de gratitude.
Loin d’être un simple moment de fous rires, « How » est à la fois une thérapie, un moment d’éducation et de sensibilisation. Personnellement, malgré quelques dérèglages négligeables sur le plan technique, la pièce est un sacré régal.
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