« Nja Lom Wa » des Frangins, le tout plein de la culture Pongo et les souvenirs d’enfance dans la musique
L’art musical au Cameroun connait une avancée et une particularité de plus en plus percutante. Et l’on ne dira pas le contraire sur cette nouvelle sortie des fils de Dibombari, les Frangins.
Sous la production de Pierre La Paix Ndame, Mouelle Jacques et Eugène bass puisqu’il s’agit d’eux, viennent de livrer les résultats de plusieurs mois de créativité et de travail spirituel. Et, l’ayant écouté de fond en comble et 10 fois par jour, je peux vous rassurer que c’est un sacré régal, un véritable chef d’oeuvre. C’est toute la culture Sawa en général et Pongo en particulier dans cette réalisation.
« Nja Lom Wa » sur des lyrics conseillers »
« Nja Lom Wa » (qui t’a envoyé) est donc la nouvelle galette musicale qui vient de faire son apparition dans la discographie des frangins. Les lyrics de cette chanson sont très bien travaillés. Mouelle et Eugène en vrais paroliers parlent sagement comme les papas pongo de l’époque. Le duo dit: « Osi tapa lambo la muna songō, esēlē mōmēnē a sébeyé oa kè oa busa dina la jiba ee. » C’est à dire « Faut pas toucher à la chose de ton frère, même s’il t’aime de tout son cœur, laisse lui même te donner sinon tu porteras le nom de voleur ». Il vont plus loin et prononcent ces paroles bibliques « Dube songo na nyōngō na windé longē » (Honore ton père et ta mère afin que tes jours soient longs sur terre) ou encore ces paroles intelligentes « Tongo ni bangi maleya et dango penga » (La rivière qui a refusé de suivre les conseils a coulé pencher).
Le message de pensée
Le message autour de « Nja Lom Wa » est sensibilisateur et très interpelateur. la chanson parle et dénonce le comportement malsain des uns et autres (vol, malhonnêteté, mauvaise foi…). Ceux qui prennent la chose d’autrui sans permission et souvent dans l’intention de nuire. Et l’esprit derrière ces paroles est d’inviter la jeune génération à plus de responsabilités. A abandonner la vie de débouche, d’oisiveté et de vice. Mais surtout à cultiver l’effort et se vouer à la construction de l’avenir.
Une mélodie pensée
Très belle mélodie, toutes les notes sont propres. La guitare, le njembe et le saxophone qui sont les instruments par excellence de la langue Duálá sont perceptibles. La chanson se joue sur le floklorisme bassa (Makunè) associé à la World music. Aux quels s’ajoutent de temps en temps des virages de makossa et un peu de shabasiko.
Le clip et les images
Le côté imagerie de cette réalisation de Eitel Patrick est tout aussi très intéressant. Le clip est original avec une forte présence de la nature (verdure, cours d’eau, carrière de sable, champs…). Le plus original c’est ces images noirs sur blancs qui nous ramènent à l’époque des écrans noirs / Blancs et photos N/B. L’époque où la technologie était encore au 1.0.
Où puiser les costumes
Les costumes également assez intéressants sont puisés dans les habitudes vestimentaire s des peuple Bakoko, Bakweri et Mongo dans le Sud- Ouest avec un détour chez les pygmées de Yoko et Lolodof. Le naturel comme essence de toute naturalité, le clip nous fait revisiter les pistes des marigots qui viennent vite nous rappeler les moments d’antan où on rentrait de la rivière avec les caleçons sur la tête pour les plus petits et avec les mpōpōlōki d’eau (damjanes cassables de casanova) pour les plus grands. On était obligé de ramèner de l’eau à la maison sinon notre plat de nourriture était en danger. Le souvenir est aussi celui de vignerons de vin de palme qui nous trempe de plein fouet dans le quotidien pongo avec la consommation de cette boisson traditionnelle.
Les couleurs de l’histoire dans le clip
Alors, ce clip est une histoire. Ces couleurs sombres aussi sont le reflet de l’histoire. lls racontent une histoire en faisant naître des émotions singulières et particulières. Les images montrent également un vivre ensemble avec des personnes assises à même le sol au tour du feu partageant un verre de ce nectar (vin de palme) et une poignée d’arachides des bonabweñs. Il y’a une grande présence des effets forts de coucher du soleil. Lesquels ramènent les esprits aux plus profonds souvenirs des contes bantous de chaque soir sous un arbre et autour d’un grand feu.
L’ambiance autour de « Nja Lom Wa »
L’ambiance est fraternellement formidable. Et ce qui est plus captivant c’est cette image de Pierre La Paix Ndame qui esquisse des pas de danse au fond. Mais une chose encore plus intéressante retient particulièrement mon attention: ce voleur qui porte toute une marmite de mukon mwa ngōdō (met de pistache) au feu et prend la direction du champ 🤣 wahh. Ces images nous renvoie à la vieille pratique de vol des morceaux de viande dans la marmite de Ta’a Di. Qui ici n’a pas fait ça ?
Ce qui ne marche pas selon moi
L’œuvre humaine n’étant pas imparfaite, le clip présente quelques incompréhensions et imperfections. Nous avons par exemple cette couleur rose des tee- shirts vêtus par certains, qui selon moi est hors contexte. Également le port des bermudas dans le clip remet un peu en cause, l’éthique des valeurs de cette chanson. Aussi, je ne trouve pas les artistes naturels dans leurs gestuels. Leur façon de se mouvoir et de s’exprimer ne délivre aucune émotion. Enfin à mon avis, le clip serait plus parlant et plus attrayant si on y ajoutait des danseurs pour le rendre plus humain et plus vivant.
Toute fois j’ai envie de dire un grand bravo et mes encouragements à Pierre La Paix pour cette belle initiative de production. C’est ce dont demande la diplomatie culturelle qui voudrait que les confrères artistes se soutiennent mutuellement. Pour ceux qui ne connaissent pas Pierre La Paix Ndame, c’est un acteur de cinéma camerounais très connu sur les écrans. En savoir plus sur lui ICI.
Cependant, dans l’ensemble, j’ai beaucoup apprécié la créativité et l’originalité autour de » Nja Lom Wa ». C’est un véritable chef d’oeuvre qu’il faut prendre le temps d’écouter car riche en éléments culturels, riche en patrimoine et riche artistiquement. Connaisseurs comprennent.
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